Quel futur pour les marques et distributeurs bio en 2025 ? Un événement majeur s’est tenu les 16 et 17 avril 2014 à Valence lors des journées B.I.O. N’Days organisées par l’association Organics Cluster, sur le thème « Imaginons les produits bio de 2025 : quels avenirs ? Quels choix stratégiques pour les acteurs ? ». 300 professionnels et acteurs nationaux et internationaux de la filière bio ont pu découvrir les conclusions d’une étude prospective inédite dédiée aux futurs possibles de la bio en 3 enjeux et 4 scénarios…
Une étude prospective d’envergure dédiée aux futurs possibles de la bio
Si les articles et analyses dédiées au développement actuel des produits biologiques ne manquent plus désormais, les études prospectives consacrées au futur proche sont bien moins courantes. Certes, la bio à su s’imposer petit à petit uniquement avec des convictions fortes, envers et contre tous (pas d’intrants chimiques, respect du sol, etc.). Mais cela suffit-il aujourd’hui ? La taille désormais critique de ce secteur et une concurrence accrue, couplées à un contexte socio- économique global en pleine mutation justifient la dotation d’outils anticipateurs qui sont autant d’aides stratégiques à la décision pour aider la bio à maintenir une croissance durable, mieux cerner les enjeux et défis de demain, et s’y préparer dès aujourd’hui.
La dernière étude prospective conséquente consacrée au futur du marché biologique, datant de 2010, et initiée par AgroBio Poitou-Charentes, nous ne pouvons que saluer l’initiative de l’Organics Cluster Rhône Alpes. Ce réseau dynamique d’entreprises vertes, fort de 150 adhérents régionaux, à commandité une étude prospective centrée sur l’horizon 2025 du secteur, et dont nous allons dévoiler la synthèse présentée lors des 3ème rendez-vous professionnels B.I.O. N’Days organisés par l’association.
Cette étude, destinée à l’ensemble des acteurs nationaux de la filière biologique (dirigeants d’entreprises production-transformation- distribution, experts techniques, associations), et pilotée par le cabinet parisien Futuribles, à nécessité plus d’un an de préparation, et l’appui de 40 experts de tous bords, dont l’auteur de l’article, réunis en démarche d’intelligence collective lors de trois journées intenses de Brain Storming fin 2013.
Avant d’aller plus loin, je ne peux qu’être personnellement enchanté de constater que cette étude reprend en très grande partie les grands thèmes abordés dans mes articles depuis déjà pas mal d’années, « officialisant » en quelque sorte ces grandes tendances de fond.
● Prévoir les futurs possibles de la bio avec la méthode des scénarios : comment se construit une étude de prospective ? Partant du principe que l’avenir n’est pas déterminé, la méthode des scénarios, utilisée par Futuribles est une technique de prospective dite « objective » très utilisée en France qui vise à faire émerger plusieurs scénarios plausibles et contrastés d’évolution d’un secteur d’activité : il s’agit de mettre en évidence les opportunités actuelles et futures, mais aussi les risques ou menaces présents où à venir, afin de les transformer en opportunités.
La méthode des scénarios offre, parmi d’autres avantages, la possibilité d’avoir un portrait global et réaliste des futurs possibles de la bio, qui soient riches en éléments de réflexions et aptes à nourrir une stratégie opérationnelle. Elle permet aussi de mieux identifier les innovations récentes et encore peu connues (nommées « signaux faibles » en prospective), et d’en cerner l’importance potentielle dans un avenir proche. Par exemple, le tout nouveau robot Oz, conçu pour désherber mécaniquement en maraîchage marque l’entrée discrète de la robotique dans l’agriculture biologique.
Bio 2025 : la synthèse des 4 scénarios
Voici les 4 scénarios centrés sur l’alimentaire et la cosmétique. La place manquant, seule une vue d’ensemble est décrite. Une synthèse de l’étude est cependant disponible sur demande par e-mail.
● Scénario 1 : le Bio en extension… sous contrainte Ce scénario dit « moyen » met en scène une bio toujours en croissance avec des atouts (maintien des aides publiques, crises sanitaires et environnementales soutenues), mais toutefois sans grande évolution et soumise à des contraintes qui freinent sa croissance (réglementation, pouvoir d’achat en berne).
— Alimentation : la forte concurrence entre opérateurs favorise une baisse des prix toujours bienvenue en temps de crise, mais fragilise les atouts de la bio : produits moins innovants, baisse des exigences du cahier des charges, etc. La montée en compétence des professionnels bio stimule cependant le partage collaboratif des connaissances (Ex. les MOOC, plates-formes de formation ouvertes et à distance). La bio perd aussi son image d’Epinal de jolie ferme et s’industrialise à grande échelle. Les Amap s’affaiblissent et peinent à innover. La multiplicité des labels perturbe les consommateurs. Les surfaces agricoles bio restent au-dessous de 10 %.
— Cosmétique : le marché biologique progresse peu en 2025, et à du mal à s’organiser. L’offre est riche et multiple, mais fragmentée et peine à se distinguer face au conventionnel « naturel », et à une concurrence internationale low-cost. Les petites marques bio buttent contre le mass marketing efficace de la cosmétique conventionnelle.
— Stratégies gagnantes pour les 2 secteurs – Alimentation : justifier la qualité supérieure en évitant une banalisation rampante du label biologique, et en communiquant généreusement pour les marques sur les preuves concrètes de qualité des produits (conditions de fabrication, origine des matières premières). Cosmétique : l’export, la vente directe, une relation privilégiée avec le consommateur et la théâtralisation sur le point de vente sont recommandés.
« Cette étude prospective à nécessité plus d’un an de préparation et l’appui de 40 experts nationaux »
● Scénario 2 : la Bio gagnante Positive et dynamique, la bio sait tirer parti d’une volonté politique forte qui reconnaît ses effets positifs sur l’environnement, la santé, le lien social, l’emploi… Très au fait des nouvelles demandes sociétales, la bio dite 3.0 intègre la « sharing economy » (économie du partage), les Fab Lab (ateliers de fabrication numérique ouvert au public), le commerce digital (smartphone), en veillant au maintien de la proximité et à des services consommateurs étendus. L’exportation est en forte croissance.
— Alimentation : le secteur séduit une plus large frange de consommateurs prêts à payer pour une bio réenchantée porteuse de sens et de rêve, forte d’un cahier des charges exigeant qui intégre la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), et dynamise l’économie locale. Les acteurs de la filière se fédèrent et se contractualisent. Les circuits de distribution sont variés, personnalisés avec des supérettes bio de quartier (commerce de précision), et de nouveaux modes de groupement dits collaboratifs (groupements de producteurs, coopératives de consommateurs).
— Cosmétique : elles sont en forte expansion, car devenues une valeur refuge face aux crises répétées de santé et d’environnement. Soutenues par les autorités nationales et européennes elles bénéficient de nouveaux canaux de distribution alternatifs et 3.0.
— Stratégies gagnantes pour les 2 secteurs – construire des filières fortes équitables et solidaires régionales pour des ingrédients proches du consommateur. Bâtir une proximité collaborative avec le consommateur-citoyen sous forme de cours de cuisine, produits DIY (à faire soi-même, jardinage collectif, implication dans les points de vente, cocréation des produits.
● Scénario 3 : le Bio business et libéral – Il devient une activité rentable, entraînant une main mise des grands groupes privés, accélérée par la réduction des aides publiques, l’entrée en bourse des grandes entreprises du marché, et l’arrivée des fonds d’investissement. Le marché se concentre horizontalement et verticalement.
— Alimentation : la rentabilité financière devient le maître mot, avec des marges faibles et des prix volatils. Les exploitations agricoles, les PME et petits distributeurs deviennent des filiales de gros groupes. Les petites structures sont fragilisées L’entrée de jeunes pousses à l’esprit start-up entraîne une innovation décomplexée (Ex. les œufs sans poules de Hampton Creek Food). Les MDD détiennent 50 % du marché, avec une offre hypersegmentée. Les produits biologiques dits low-cost explosent, importés notamment des pays de l’est et du Maghreb. Le marché est fermé aux nouveaux acteurs sans grands moyens financiers.
— Cosmétique : les grands groupes conventionnels de cosmétiques font main basse sur les TPE et PME. Le e-commerce et la consommation participative se banalisent.
— Stratégies gagnantes pour les 2 secteurs – Les petites entreprises indépendantes (fermes, laboratoires, transformateurs, distributeurs), doivent se regrouper pour résister aux grandes marques et distributeurs, en mutualisant leur moyen.
● Scénario 4 : la Bio diluée La bio perd son aura porteuse suite au déclin des aides publiques, à la nette amélioration des produits conventionnels (qui intègrent par exemple l’affichage environnemental), aux crises et scandales sanitaires et fraudes affectant la filière bio, et à la montée d’une agriculture raisonnée et d’une filière cosmétique « propres » qui promettent une forte réduction des pesticides de synthèse.
— Alimentation : les produits biologiques sont en rupture d’imaginaire positif suite à des importations au rabais qui écornent son image. La crise économique mondiale affecte durablement le pouvoir des ménages, cantonnant la bio à être seulement une niche de luxe. Le marché ne recrute plus et subit de nombreuses déconversions, vers un conventionnel plus propre, la SAU redescendant à 2 %. 5 La concurrence du label rouge, du Made in France est rude
— Cosmétique : une réglementation stricte incite les cosmétiques conventionnels à un meilleur respect de l’environnement. Les scandales sanitaires impactent aussi les cosmétiques bio (Allergies) et affaiblissent le secteur. Les cosmétiques dits naturels supplantent le cosmétique.
— Stratégies gagnantes pour les 2 secteurs – Veiller à réenchanter la bio, en valorisant d’une manière ludique et branchée les facettes économiques et humaines du bio, et en insistant sur d’autres promesses : la naturalité du goût, les origines locales, la saisonnalité, le conseil, la nutrition. Cosmétique : proposer des alternatives innovantes et très ciblées. Développer une forte proximité avec le consommateur. Fin de la première partie.
Suite partie 2 : que retenir de cette étude ? Que manque-t-il ?
Article paru initialement dans le revue professionnelle Biolinéaires n°54 Juillet-août 2014
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