1re partie : anticiper le futur de la bio et ses perspectives d’évolution avec des années d’avance est un défi difficile mais indispensable pour contribuer au développement stratégique du secteur. C’est aussi un exercice de prospective délicat qui ne peut prétendre à une exactitude parfaite. Voici un bilan « vérité » sur mes analyses effectuées depuis 2008, et parues dans la revue Biolinéaires, avec en prime, un bref aperçu des nouvelles tendances en cours.
Article mis à jour pour les parties « tendances 2016-2025 » le 27 avril 2016
1 ● Anticipation ou prédiction ? Anticiper les évolutions d’un marché n’est pas de la prédiction ou de la « voyance » : si le futur reste à jamais incertain – l’homme possède un pouvoir de libre arbitre qui le distingue de l’animal – il existe cependant des méthodes rationnelles et créatives éprouvées pour saisir avec de bonnes probabilités des tendances ou évolutions lourdes à court ou moyen terme (2 à 15 ans) : citons par exemple la veille et l’analyse des tendances et des imaginaires de consommation, les interviews d’experts, l’étude des signaux faibles, la mise en place de scénarios dynamiques et de séances de créativité, sans oublier les intuitions pures de développement (En savoir plus, voir article Eco-innovation Biolinéaires N°37 et N°38).
2008
1 ● Les produits de la ruche (N°19 – Septembre-octobre) : à cette époque peu de produits issus des abeilles sont labellisés bio. La quasi totalité des matières apicole provient de Chine ou d’autres pays lointains. L’offre est marketée simplement « Produits de santé pour la famille ». Je mentionne aussi que la façon dont les produits sont fabriqués allait à terme compter au moins autant que les promesses d’utilisation.
– Bilan 2015 : la labellisation bio est devenue courante – La tendance est aux récoltes locales (propolis française etc.) – L’offre produit est désormais segmentée plus finement et plus sophistiquée (produits sport, enfants, cosmétique gelée Royale haut de gamme, etc.) – La création de filières solidaires Nord-Nord se développe.
– Pertinence : excellente
– Tendances 2016-2025 : les produits de la Ruche désormais incorporés dans les catalogues de beaucoup de marques généralistes – Montée en gamme (produits premium et luxe en particulier dans le domaine de la cosmétique) – Produits santé élargis (pansements…), B2B et médicamenteux – Matières apicoles exotiques typées avec de forts bénéfices santé (Le Miel de Manuka à été précurseur) avec poursuite des effets de mode (propolis verte du Brésil…) – Fabrication artisanale – Prise en compte d’un bien-être poussé du rucher et renforcement des pratiques apicoles bio pour lutter contre la disparition des abeilles.
2009
2 ● Le sans gluten (N°21 – Janvier-février) : la revue Biolinéaires identifie ce marché, encore mineur, et lui prédit un bel avenir…
– Bilan 2015 : le sans gluten s’immisce partout en se parant d’arguments plaisirs pour mieux séduire. Selon les dernières données, ce marché, très dynamique aurait doublé en 2014… Cette tendance du « sans-sans » désormais structurée en vrai marché, à été l’une des vedettes du salon Biofach 2015.
– Pertinence : excellente
– Tendances 2016-2025 : une forte croissance est encore à attendre du fait de plusieurs influences croisées (succès maintenu des produits sans-sans, augmentation des personnes intolérantes au gluten, marché des seniors, innovations produits centrées sur la praticité et le progrès gustatif).
3 ● Les cosmétiques bio en 2029 (N°22 – Mars-avril) : en 2009, le marché s’accélère, le nombre de marques disponibles s’étoffe, et la cosmétique bio continue de s’implanter dans les grandes surfaces conventionnelles. Je décris plusieurs évolutions de long terme importantes, et recommande des formules composées d’ingrédients originaux avec une forte identité locale, une tendance en cours depuis à peu près 2013…
– Bilan 2015 : le marché redevient dynamique – Les gammes dites premium et luxe s’étoffent avec des extensions (sport…) – Les premières chaines de magasin cosmétiques apparaissent en France, issues de pure player (mademoiselle bio) ou de marques (Aroma-Zone spécialisé dans le DIY (Do-It-Yoursel) – La cosmétique bio rentre de plus en plus en concurrence avec les soins de beauté dits naturels – La beauté se veut naturelle et garantie sans retouches Photoshop – Les marques intègrent de plus en plus leur propre filière d’approvisionnement – La saturation du marché amène les petites marques alternatives, toujours nombreuses, à trouver des marchés de niches (internationalisation, régionalisation, vente Internet) – La beauté devient subtilement globale et intérieure avec des services proposés bientôt incontournables (cours de cuisine, de relaxation etc.).
– Pertinence : bonne à excellente
– Tendances 2016-2025 : percée du bio vers le luxe – Montée de la cosmétique dite Slow, éthique et sensible (Label slow cosmétique, produits vegan (Exemple : Les Happycuriennes), culture des plantes en biodynamie…) – Formulations high-tech issues des bio-technologies dites « éthiques » – Retour au leadership international des marques françaises bio, et conquête internationale des petites marques françaises – Évolution des magasins vers le service : salon de coiffure, Spa, massage, etc. – Les clients deviennent des communautés à animer – Éco-conception poussée des produits et des emballages – Standardisation progressive du concept de éco-socio-conception) – La tendance DIY (produits à faire soi-même) va se renforcer et muter pour une de ses branches en cosméto-herboristerie de quartier – Début des applications smartphone avec coaching électronique et surveillance de la peau en temps réel. – Marques « fermes » avec une production à la ferme de tout le process qui garantit l’origine » France » des plantes(Exemple : Alors ça pousse, Douces angevines, Natura Siberica)
« La mutation du secteur bio s’accélère, dans un environnement en forte évolution : il est plus que jamais nécessaire de percer le brouillard des 5 années a venir »
4 ● Psychologie de l’alterconsommateur (N°24-25-26-27 – juillet 2009 à janvier 2010) : ce dossier de marketing prospectif décortique les grands désirs et paradigmes « secrets » qui animent ce type de consommateur à la plus fois plus mature, plus exigeant et sensible à des modes de vie alternatifs. Les motivations d’achat, présentées sous forme de tableau décrivent avant l’heure les tendances phares à l’oeuvre aujourd’hui, par exemple le pouvoir d’attraction du « sans-sans », la notion de santé « corps-esprit », et le besoin de communautés.
– Bilan 2015 : un nouveau type de consom’acteur émerge, alimenté par la nouvelle génération Y, âgée de 20-35 ans et désormais adulte et consommatrice. Plus complexe à cerner, elle est friande de naturalité, mais aussi de lien social, de dialogue, de participation et de technologie connectée (smartphones, tablettes (en savoir plus cf. Bionéaires n°55).
– Pertinence : bonne à très bonne
– Tendances 2015-2025 : ce nouveau consom’acteur impose progressivement ses visions sociétales, économiques et écologiques. obligeant les secteurs bio et conventionnels à muter rapidement en proposant des produits et services adaptés, en digitalisant en profondeur l’entreprise (ressources humaines, logistique, vente e-commerce omnicanale). Les marques vont aussi de plus en plus communiquer autrement en délaissant les campagnes de publicités classiques au profit de campagnes digitales et d’événement physiques et digitaux propices à la rencontre.
2010
5 ● Alimentation : tendances fortes de 2010 et prospective 2047 (N°29 – Mai-juin et N°30 Juillet-Aout) : on s’alimente bio pour le goût mais aussi de plus en plus pour le bénéfice santé. Les circuits courts commencent à faire parler d’eux dans la presse grand public.
J’anticipe, pour le bio français la percée de la tendance végétarienne, des protéines simili-carnés (qui imitent la viande, une tendance venue d’Allemagne), et de l’alimentation dite raw food qui seront vraiment médiatisés à partir de 2013. Sont aussi annoncés une sophistication de la notion de local avec la vogue future des fruits humbles (tomates, citrons), et les produits et recettes dit identitaires dotés d’une origine précise. Je cite aussi l’émergence d’une alimentation hors-foyer rapide relationnelle riche en contact humain et la prise de conscience progressive de la nécessité d’une alimentation dite sociétale qui se préoccupe aussi du maintien de l’emploi.
Côté prospective longue (2047), je souligne aussi le retour en force du monde agricole et un mélange des genres industriel composé d’alliances inédites entre concurrents avec une extension stratégique de leurs spécialités d’origines qui, d’ailleurs se fait plus rapidement que prévu dans le monde conventionnel. Par exemple l’union de coopératives agricoles InVivo diversifie actuellement ses métiers en entamant une véritable filière de distribution circuit court grâce à son concept de petit supermarché « Frais d’ici », conçu en partie dans le but d’écouler sans intermédiaires les produits de ses adhérents.
– Bilan 2015 : la concentration des acteurs s’accélère. L’éclosion de centaines de circuits alternatifs originaux fonctionnant sur de nouveaux modes de consommation bouscule sans complexe les schémas établis par les magasins bio spécialisés installés et la restauration.
La tendance Truck foods signe le retour de la restauration conviviale de rue. Les linéaires de snacking frais et les espaces de restauration rapide se généralisent dans les magasins. Les superaliments et le raw food se démocratisent.
Les aliments traditionnels « humbles » ont de nouveau la côte, à condition que ceux-ci soit issus d’un terroir français ou lointain précis avec un savoir-faire artisanal : citron de Syracuse ou d’Amalfi, porc noir de Bigorre, huile d’olive, du Péloponnèse (Sicile). pâtes italiennes artisanales de Gragnano, étirées dans des moules en bronze, etc.
Le Vegan, cousin radical du végétarisme, et vedette du salon Biofach 2015 devient désirable auprès du grand public. Destinées aux flexitariens, Les Boucheries « simili-carnés », qui vendent escalope, saucisse, lardons végétaux, comme la boucherie végétarienne à Paris, commencent à ouvrir. La restauration commence à presser des vrais-faux hamburgers et nuggets plus vrais que nature, comme le restaurant parisien M.O.B. Des start-up alimentaires se lancent même sur le créneau comme l’américain Beyond Méat qui, aux dires de certains critiques présentent des simili-poulets à la ressemblance gustative troublante.
– Pertinence : bonne à très bonne
– Tendances 2015-2025 : les concepts de magasins alimentaires positionnés dans des extrêmes de prix, « prix bas » et « épicerie fine », se développent – Les chaines de magasins spécialisées s’inspirent de la vogue actuelle des épiceries de quartier et épiceries « newgen » en revisitant en profondeur leur offre et leur agencement. L’accent est mis sur les circuits ultra-courts, les marques régionales, la collaboration active du client, l’éducation (cours de « fait soi-même »…), les achats groupés, le soutien à la précarité, le non gaspillage des ressources, la restauration fait maison, etc.
Enfin, le contact humain avec la notion de tiers-lieu (magasins lieux de vie) donne de nouvelles missions aux magasins alimentaires. Pour en savoir plus, lire Distribution biologique 3.0 : le magasin bio idéal de 2025 (en deux parties).
Version enrichie d’un article paru initialement dans le revue professionnelle Biolinéaires n°58 Mars-avril 2015
Merci beaucoup pour cet article. Continuez.
Merci pour votre commentaire stimulant : nous allons continuer, promis 🙂
Je trouve votre site très intéressant.Merci
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